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  • Avril Clémence

Sortir du placard

Dernière mise à jour : 5 nov. 2019

Ou comment je n'osais pas dire que j'aimais écrire jusqu'à ce qu'une nouvelle érotique me donne des ailes...

Chéri ? Tu sais, j'ai participé à un appel à textes et j'ai été retenue. Je trouvais l'exercice intéressant, je voulais voir si je pouvais sortir de ma zone de confort et m'essayer à un nouveau genre ; ce n'est pas ce que je fais d'habitude. J'ai donc écrit une nouvelle... érotique.


De l'art de mettre les deux pieds dans le plat


J'avais peur d'avouer que j'aimais écrire parce que j'avais peur de me sentir obligée d'accepter qu'on me lise.

L'écriture m'a toujours accompagnée. A l'âge de onze-douze ans déjà, je tenais un journal semi-fictif, où je racontais un peu de ma vraie vie et inventais aussi d'autres choses pour tromper l'ennui et parce qu'il me plaisait de le faire, tout simplement. Au lycée, disons même entre mes dix-sept et dix-neuf ans, j'écrivais des poèmes pour exorciser mes petits démons. J'ai été vraiment très productive pendant ces trois années, puis j'ai cessé pratiquement du jour au lendemain. Un peu comme Rimbaud... le talent en moins !


Assez curieusement, je ne rechignais pas à faire lire ces poèmes à mes plus proches amies, alors que je livrais là des choses très personnelles que jamais, au grand jamais, je n'aurais évoquées verbalement. J'avais une grosse carapace sur le dos en ce temps-là et je me refusais à montrer le moindre signe de faiblesse, chose que je faisais pourtant à l'écrit. Ensuite, j'ai continué à écrire de petites histoires mais, sans que je puisse l'expliquer, l'écriture est devenu un secret que j'ai farouchement gardé. En fait, j'avais peur d'avouer que j'aimais écrire parce que j'avais peur de me sentir obligée d'accepter qu'on me lise. Et je ne voulais pas qu'on me lise parce que je pensais être vraiment mauvaise.


L'appel à textes qui change tout


Quelques mois après mon inscription sur le forum Jeunes Écrivains, je suis tombée sur un appel à textes lancé par le label Badass, sur le thème de la masturbation féminine, et j'ai eu envie de me lancer. J'y voyais un exercice d'écriture intéressant dans la mesure où, sans avoir de tabou particulier, je ne verse normalement pas dans l'érotisme, ou alors très, très modéré. Là, je voulais voir si je saurais allier la consigne qui m'imposait d'appeler un chat "un chat" et mon côté un peu pudique qui me fait plus volontiers prendre des chemins détournés pour nommer et décrire les choses. Avec l'aide d'une personne fantastique (et auteur de talent) rencontrée sur le forum qui a accepté de me relire et de me corriger, j'ai donc écrit une nouvelle, intitulée "L'inconnu du métro".


À ma grande surprise, mon texte a été retenu, comme une dizaine d'autres, et un contrat d'édition a été signé. Assez peu de modifications ont été apportées au texte, que l'éditrice trouvait très abouti, et il a été tenu compte de mes préférences stylistiques : par exemple, l'éditrice trouvait mon vocabulaire un peu trop anatomique mais s'est rangée de mon côté lorsque j'ai argué que je ne me sentais pas à l'aise avec le vocabulaire fruits et légumes généralement employé dans ce type de littérature (il lui dévora l'abricot est une tournure rédhibitoire pour moi).


En fin de compte, après plusieurs semaines de flou, on nous a annoncé que le label fermait malheureusement ses portes et que nous ne serions pas publiés. Dommage, car entre-temps cette expérience positive m'avait donné davantage confiance en moi et je m'étais décidée à en parler à quelques personnes de mon entourage, et même accepté de me faire lire. C'est assez ironique, d'ailleurs, quand on sait qu'en temps normal mes textes ne sont pas franchement coquins.


Coming out sélectif


J'ai compris une chose essentielle : c'est moi qui décide.

Le fait qu'un professionnel du monde de l'édition apprécie mon texte a énormément changé la façon dont je vois les choses. Pour commencer, et pour la première fois depuis que j'écris, peut-être, j'ai été fière de moi. J'ignore combien de textes ont été soumis pour cet AT mais, hé ! tout de même, le mien faisait partie des dix retenus. Bien évidemment, ça n'apporte pas la preuve d'un incommensurable talent et ça ne promet pas non plus une carrière dans l'édition mais je vous assure que ça fait un bien fou. J'étais heureuse. Hélas, je ne pouvais partager cette bonne nouvelle avec personne autour de moi puisque j'avais fait le choix de ne pas dire que j'aimais écrire. C'est bête, hein ? Alors je me suis dit que si j'avais envie de partager ma joie, je pouvais le faire, d'autant que j'ai la chance d'appartenir à une famille assez ouverte et que je ne risquais pas de finir sur le bûcher pour avoir pondu un texte érotique.


Le patron, c'est moi


Je n'en ai pas parlé à tout le monde. J'ai choisi les personnes avec lesquelles j'avais envie de m'ouvrir et j'ai accepté, ou pas, de leur confier ce texte, puis d'autres. Parce que j'ai enfin compris ça : c'est moi qui tiens la barre. Je peux tout à fait dire que j'écris ou ne rien dire du tout si je n'en ai pas envie, et décider de ne pas me faire lire, ou de ne pas tout montrer. J'écris avant tout pour moi, pas pour les autres.


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